Roman Opalka


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Roman Opalka

Après chaque séance de travail, Roman Opalka enregistre l'image de son visage à l'aide d'un appareil photo. Est-ce piéger le flux continu du temps que de découper sa propre intimité par des photographies prises invariablement avec le même cadrage, le même éclairage et la même chemise ? Cette année, les Rencontres d'Arles présentent pour la première fois cette oeuvre photographique qui, au travers d'une sélection, révèle la démarche de Roman Opalka sous un nouvel angle. L'artiste répète chaque jour ce geste : imprimer sur la pelliculle les signes relevés sur son propre corps du temps qui s'écoule. Il archive ces clichés ; expression d'un temps recomposé rendant sensible au regard le moindre écart d'un visage à l'autre. Ce sont ces infimes variations qui ont servi à l'artiste de critères pour sélectionner parmi plusieurs milliers les cinquante clichés exposés. Roman Opalka nous invite dans cette exposition à pénétrer dans une nef baignée de lumière blanche, un espace temps recomposé à l'aide de ses photographies et rythmé par l'enregistrement de sa voix prononçant en polonais les chiffres qu'il peint.
Dès 1965, Roman Opalka adopte un processus de travail qui lui permet de "visualiser" le temps. Sur des toiles de même dimension, il peint des nombres en blanc sur fond noir, dans l'ordre croissant. Série inaugurée avec le chiffre 1, elle s'inscrit sur un fond qui reçoit à chaque toile 1% de blanc supplémentaire. Et le noir devenu gris, fond de plus en plus clair, atteindra le blanc, où à l'infini viendront se poser des signes invisibles.
Si la course du temps peut être comparée aux courbes du ruban de Moebius dont en suivant toujours le même versant, on passe imperceptiblement d'un côté à l'autre, peut-être alors le travail de Roman Opalka tente-il de saisir les infimes variations de la matière qui mènent la vie à son évanouissement. Variation constante du temps, le mécanisme d'Opalka est l'instrument d'un temps irréversible qui épuise le potentiel d'une suite de nombres et celui d'une couleur. A la dimension réelle des nombres, Opalka relie celle de la disparition et de la mort, dimension non plus imaginaire mais matérialisée dans chaque fluctuation de sa peinture. Intitulés Détails, ces tableaux sont le fruit d'une conscience, qui, année après année, mois après mois, garde la même mesure du temps, pourtant en proie à des situations toujours différentes. « 4444, appartiennent au début du premier Détail, le 55555, est à la fin du second Détail, mais pour atteindre le 666666, il m'a fallu sept ans après le 55555. Après le 666666 (six fois le chiffre 6), je me posais la question : "Combien de temps pour atteindre le 7777777 ?". »

Repères biographiques
Né en 1931 à Hocquincourt, Roman Opalka vit et travaille en France depuis 1972. Peintre d'origine polonaise, il commence en 1965 sa série des Détails sur une toile de 196 x 135 cm avec un pinceau N°0 Quand un Détail est achevé, il en prend la photographie. Selon lui, sa mort interrompra son travail entre 7 777 777 et 8 888 888. Depuis 1972, il éclaircit graduellement le fond de ses toiles et enregistre au magnétophone les nombres qu'il énumère en peignant.

Artiste de renommée internationale, des expositions personnelles lui ont été consacrées dernièrement : "OPALKA 1965 / 1 - ¥", Autoportraits, Gallery La Jolla, (Californie, Etats-Unis, 2002), "OPALKA 1965 / 1 - ¥", Grande Rétrospective "Roman Opalka", Altenau Museum (Altenburg, Allemagne, 2002), Galerie Grant – Selwyn (New York, Etats-Unis, 2003).