Claude Dityvon
Claude Dityvon - Nocturnes.

Patrick Roegiers critique et écrivain est également président du mois de la photographie 2000. Nous lui avons proposé de le suivre dans une visite d'exposition. C'est le travail photographique de Claude Dityvon exposé à la galerie Woederhoff qu'il a choisi de nous montrer.

Nocturnes, extrait:

(...) J'ai marché longuement, déambulé en tous sens, je suis parti à la recherche de l'autre, tenté, de saisir sa présence furtive, son ombre, sa silhouette impalpable, de photographier l'infinie mouvance de la vie, née du silence et du presque rien, l'ultime. Empli de mille rêves incroyables, j'ai vagabondé, je me surprends à me photographier, je ne suis plus qu'ombres, reflets, parcelles, avide de sensations nouvelles, guidé par la magie de la provocation du hasard (...)

Paris, ville de mes rencontres, de mes bonheurs, de mes révoltes, de mes rancunes, de mes colères, de mes déboires, Paris reste le plus privilégié de mes terrains d'aventure, nouveau champ visuel dans lequel je me suis investi et impliqué, dernier théatre de mes émotions photographiques.
Libre de toutes contraintes, lassé de toutes ces polémiques autour de la photographie, J'ai retrouvé ma part d'enfance, ce cri d'émerveillement, sans la moindre concession, je l'avais perdu de vu, étonnant !
J'ai marché longuement, déambulé en tous sens, je suis parti à la recherche de l'autre,tenté, de saisir sa présence furtive, son ombre, sa silhouette impalpable, de photographier l'infinie mouvance de la vie, née du silence et du presque rien, l'ultime. Empli de mille rêves incroyables, j'ai vagabondé, je me surprends à me photographier, je ne suis plus qu'ombres, reflets, parcelles, avide de sensations nouvelles, guidé par la magie de la provocation du hasard.
Le boitier à la poitrine, inquiet mais loeil vigilant, j'ai tenté de saisir l'imperceptible, curieusement le corps se met à voir.
A la tombée de la nuit, cet hiver, j'ai cru apercevoir des fantôme, projections fugaces aux ombres portées. Ils parlaient le verbe haut, portable collé à l'oreille. L'oeil absent, ils gesticulaient à travers ces rues glaciales, impersonnelles, dédales sans fin, issues d'une architecture laide et sans âme.
Mes rencontres visuelles deviennent familières. Des correspondances se mettent en place, des clignements d'yeux se dessinent. Est-ce un signe d'amour, j'ose espérer. Je me sens comme entouré, protégé. Ceux que j'aime m'accompagnent, ils m'apportent l'essentiel : le désir de voir et d'aimer.
A l'approche d'une rencontre possible, je retiens mon souffle. Et tout à coup comme dans un silence subit, je tente de photographier les harmonies secrètes qui unissent peut-être les hommes entre eux. Dans ce désordre apparent, je décèle de la beauté, l'espoir renait.
Le bruit assourdissant de la rue s'est tu. Seuls les murmures, et la trompette aux sonorités sourdes de Chet Baker m'accompagnent. Je tends l'oreille pour mieux pénétrer son langage. Ouf ! Je ressens comme une odeur de liberté retrouvée, un plaisir intense, une fulgurante envie de vivre.
Un soir, près d'une usine dans le 13eme arrondissement, j'ai vu deux enfants jouer le long d'un mur blanc. Ils couraient après la lune. Peut être l'ont-ils rattrapée. Très vite, je me suis effacé. Il ne fallait surtout pas les déranger, ils avaient rendez-vous avec elle, toute de lumière vêtue. J'avais une envie folle de les rejoindre.
Attentif, curieux, les yeux grands ouverts, j'ai encore beaucoup de chemin à parcourir. Il faut beaucoup de sagesse pour se trouver en «état » de contemplation.
Inconsolable, à l'affût de l'indicible et de l'aléatoire j'essaye de transmettre et de donner de l'émerveillement, de la poésie, de la beauté, aussi infime soit-elle.

Dityvon, Juillet 2000.

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