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Marché de l'art : fisc ou défisc ?

Débat animé par Harry Bellet, journaliste au Monde.

Avec : Princesse de Beauvau-Craon, PDG de Sotheby's France et Duputy Chairman de de Sotheby's Europe ; Madame Raymonde Moulin, sociologue ; Madame Christiane Ramonbordes, Directeur général adjoint, ADAGP ; Monsieur Jean-Michel Raingeard, Président de la fédération française des sociétés d'amis de musées ; Monsieur Guillaume Cerutti, Inspecteur des Finances ; ancien administrateur du Centre Georges Pompidou ; Monsieur Mathias Rastorfer, Directeur de lagalerie Gmurzynska, Cologne.

Parler d'interventions de l'Etat, d'impôts et autres taxes dans le cadre d'une manifestation commerciale est toujours un choix promis à un exercice aussi réussi que vain. Représentante dans la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), Christiane Ramonbordes a été la première à en faire les frais. Le droit de suite, somme perçue en France sur les ventes publiques par les artistes par l'intermédiaire de l'ADAGP, est dans la ligne de mire des intervenants. Il s'agit pourtant d'un droit et « non d'une taxe », rappelle avec justesse le modérateur, Harry Bellet, du Monde. La Princesse de Beauvau-Craon, présidente de Sotheby's France, résume plus rapidement la situation : « Sur un Picasso de 300 millions, le droit de suite, à la charge du vendeur, est de 3%. Il est évident que dans ces conditions les grandes ventes se font à l'étranger. » Les jugements se modèrent lorsque l'on sait que ce droit est à la baisse au niveau européen, mais le mal est fait. Madame Ramonbordes, seule face à une salle pleine de galeristes, ne parlera plus pendant une heure et demi. « Le système fiscal a été bâti quand le marché de l'art n'avait ni son importance actuelle, ni son caractère international », reconnaît Guillaume Cerutti. Inspecteur des Finances, ancien administrateur du Centre Georges Pompidou, il admet que les changements sont longs mais réels. « Dans le domaine de la protection du patrimoine, les progrès sont nombreux, même s'il en reste à faire. Pour la compétitivité du marché, la France a plus de retard si l'on songe au droit de suite, à la taxe à l'importation... » Auteur d'un rapport adressé aux parlementaires dans le cadre de la loi musée, il promet une discussion importante à ce sujet avant la fin du mois. Pour l'heure, Jean-Michel Raingeard, président de la fédération française des sociétés d'amis de musées, exprime l'ingratitude de l'Etat vis-à-vis des collectionneurs, « le problème est celui d'une mentalité, d'un manque de respect, de reconnaissance. » Sur le thème un peu rapide de « nous sommes tous des directeurs de FRAC », la défiscalisation devient une piste pour renvoyer une partie des achats d'art vers le privé. Attentive, la sociologue Raymonde Moulin remarque qu'en France, on continue à dénier tout aspect économique au monde de l'art : « les collectionneurs doivent accepter une confusion : collectionner n'est pas qu'une histoire de passion et d'amour. » « Peut-être », admet Jean-Michel Raingeard. Mais l'art n'est pas un luxe, c'est « un besoin. »

Extrait du quotidien de la FIAC, n° 5, 14 octobre 2001.

Documentation :

« Une oeuvre d’art accrochée à son mur ou posée sur son socle est un bien culturel, un actif stérile qui ne produit aucun revenu. Il est normal de la taxer, mais seulement en cas de profit, c’est-à-dire de transaction. Ce qui est déjà le cas : au moment de la vente, l’acquéreur supporte la TVA, et le vendeur, la taxe sur les ventes d’objets d’art ou l’impôt sur les plus-values, même en cas de vente à perte, ce qui advient parfois. Au moment d’un héritage ou d’une donation, l’héritier ou le donataire doit acquitter les droits d’enregistrement soit en numéraire, soit par la dation en paiement des droits de succession. Cette dernière est un moyen essentiel d’enrichissement des collections nationales, et, de l’avais des conservateurs de musée, une diminution du patrimoine artistique privé a nécessairement attachés au droit de suite, mais ne supportent pas que pouvoirs publics et marchands discutent de ces questions dans leur dos. D’autres ont signé une pétition, publiée par le Journal des Arts, demandant sa suppression ! Leur position est un pari raisonnable : on ne voit pas comment ils peuvent survivre dans un pays où le marché est devenu exsangue. La raréfaction des transactions fait baisser d’autant le montant des taxes perçues par le Trésor public, et les prélèvements destinés à financer l’assurance maladie des artistes. Averties qu’elles allaient se voir appliquer le droit de suite, à l’instar des ventes publiques, les galeries privées françaises ont menacé en novembre 2000 de ne plus contribuer à la Sécurité sociale. »

Extrait de Harry Bellet, Le marché de l’art s’écroule demain à 18 h 30, NIL Editions, Paris 2001, pp. 184-185