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"Silence sonore", Chen Zhen
Si "les corps se déplacent alors que le coeur reste tranquille" comme aimait à le dire l'artiste chinois Chen Zhen, alors l'exposition "Silence sonore" au Palais de Tokyo est un appel à un voyage immobile, une invitation à esquisser la constellation de nos centres vitaux.
Suspendus à des portiques en bois, une dizaine de grands lits et une quarantaine de chaises, transformés en tambours, proposent au spectateur d'utiliser différemment les meubles qui accueillent quotidiennement nos corps. Cette oeuvre "Jue Chang - Fifty Strokes to Each", de 1996, se présente comme un espace rituel où chacun peut jouer d'une percussion et, comme semble le suggérer l'artiste, où chacun est encouragé à reproduire cette situation dans n'importe quel endroit avec n'importe quel instrument. Imaginer son propre contexte, c'est réinventer les liens qui nous rattachent au monde, c'est aussi modeler autrement les limites du "moi", celles du "je", devenu dans l'expérience un sujet actif. Cette oeuvre développe en effet une dimension thérapeutique : le contact de la main sur des peaux tendues apaise les angoisses et libère l'individu des tensions dues au stress.
Cette exposition présente un ensemble d'oeuvres majeures de l'artiste créées dans les années 90 ainsi que sa démarche fondée sur le concept de "transexpérience" où l'expérimentation et l'échange, au sein de l'oeuvre, sont les moteurs nécessaires à l'épanouissement de l'être.
C'est dans une perspective critique que se livrent ainsi certaines pièces qui confrontent aux notions de culture et de tradition leur dimension plurielle : "Autel de Lumière", 2000, rassemble 99 chaises d'enfants collectées dans différents pays du monde surmontées chacune d'une architecture de bougies de couleur. Appel à construire "un village sans frontière", cette oeuvre a été inspirée par une réflexion de l'artiste sur l'architecture et l'urbanisme, menée en 1999 avec des enfants des favelas lors de sa résidence à Salvador de Bahia. Mais vouloir réconcilier l'homme avec le monde n'est pas sans poser la question du langage. Conscient de l'hétérogénéité des discours et de la multiplicité des identités, il avance la nature comme un système polymorphe, traversé par des flux d'énergies, qui seraient, pourquoi pas, propices aux échanges entre l'Orient et l'Occident... un système mouvant, souple et luxuriant où l'homme de la médecine chinoise puise diverses écorces, plantes et remèdes, et inaugure un dialogue avec son patient, et où l'artiste mêle la médiation à la guérison.
Tournage réalisé pendant l'exposition "Silence sonore", au Palais de Tokyo à Paris.
Repères biographiques
Né à Shangaï en 1955 dans une famille de médecins.
Parti en 1987 de Shangai, Chen Zhen s'installe à Paris et se confronte à une culture radicalement différente. Enrichi par cette expérience, Chen Zhen introduit le concept de "transexpérience" dans son travail et mûrit une pratique de l'installation mêlant objets traditionnels chinois avec des produits de la société occidentale. Chen Zhen meurt prématurément en 2000. Son travail est régulièrement montré à l'occasion d'expositions personnelles et collectives dont voici une sélection : "Chen Zhen, Métaphors of the body", National Museum of Contemporary Art, Athènes (Grèce, 2002), "Résidence-Résonance-Résistance", mis en place par sa femme Xu Min, CCC (Tours, 2002), "Chen Zhen. Inner Body Landscapes", ICA (Boston, Etats-Unis, 2002), "Chen Zhen : a tribute", P.S.1, New York (Etats-Unis, 2003), "Chen Zhen, un artista fra oriente e occidente", commissariat Jean-Hubert Martin, PAC (Milan, Italie, 2003), "Résidence-Résonance-Résistance", Westfälischen Landesmuseum für Kunst und Kulturgeschichte (Münster, Allemagne, 2003).
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