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Abri Ouest Lumière
La seule chose que les membres d'une société partagent réellement, écrivait le sociologue Maurice Halbawchs dans les années 40, c'est ce qu'ils ont oublié de leur passé commun : la mémoire collective est sans doute plus la somme des oublis que la somme des souvenirs. Archéologue de notre mémoire, l'artiste Yann Toma réactive les codes du passé qui, alors obsolètes, sont investis dans de nouvelles relations.
Après la Libération, en 1946, l'activité nationale française devait être remise en marche. Sous le nom d'EDF, l'entreprise Ouest Lumière fut nationalisée et bientôt les cheminées et les transformateurs électriques de l'ancienne usine de Puteaux, construite par Gustave Eiffel, cessèrent de fonctionner ; le corps social de l'Usine se dispersa. En 1991, Yann Toma rachète Ouest-Lumière et en devient le président : considérant l'énergie que peut engendrer une collectivité, il ouvre le capital fictif de l'ancienne usine à l'actionnariat. Opposer à l'autorité régulatrice de l'Etat la mémoire de notre société... Telle est la politique de l'artiste.
Pendant une semaine, les portes de l'abri de Ouest-Lumière furent ouvertes au public, l'invitant à participer au développement de l'entreprise. Y était présenté le code des Transmission, l'alphabet morse. Aujourd'hui inutile, ce code a été néanmoins à de nombreuses reprises utilisé par l'artiste C'est ainsi que Ouest Lumière mit à contribution les habitants d'une Cité lyonnaise lors de la Fête des Lumières en 2002 : il s'agissait d'utiliser ce code morse afin de diffuser des messages lumineux aux fenêtres des immeubles. L'organisation, prise en charge par des agents habitant la Cité, permit l'élaboration d'un nouveau réseau visant à faciliter les échanges de voisinage.
Avec les Crimes sur commandes, Ouest Lumière, ironise sur la logique administrative et la pousse jusqu'au paradoxe : être à la fois victime et assassin. Mettant en scène sa propre mort, le spectateur se fait ainsi photographier par l'artiste qui constitue également le dossier relatant le déroulement du crime.
Si le souvenir semble essentiellement le résultat d'une élaboration individuelle, l'oubli rassemble ceux qui ont oublié. Voyager dans le temps de notre mémoire, c'est aussi expérimenter les intuitions qui feront du temps présent un avenir toujours à construire.
Repères biographiques
Yann Toma, né en 1969, vit et travaille à Paris. Depuis 1991 son travail interroge la mémoire collective et le rapport de l'humain à l'entreprise. Yann Toma a réalisé de nombreuses expositions en France et à l'étranger. Son travail a récemment été montré à la galerie Patricia Dorfmann (Paris, 2002).
Parallèlement, il développe sa réflexion au travers de publications dans des revues et magazines ainsi que dans un livre (Plovdiski Noshti, Victoires Editions). Depuis quelques années il travaille en partenariat avec l'IGN (Institut Géographique National), l'AHEF (Association Historique d'EDF) et la Fondation EDF.
http://ouest-lumiere.org
Voir aussi notre reportage sur Yann Toma, "Fête des lumières", Lyon 2002.
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