L’autoportrait est un genre établi, en photographie comme en peinture - genre aux frontières et aux règles fluctuantes, mais dans lequel la plupart des questions liées à l’identité se condensent remarquablement. Qu’est-ce qui pousse ainsi des artistes à se représenter inlassablement (au point que certains ne font pratiquement que cela) ? Est-ce un narcissisme exacerbé, comme possédé ("énergumène" avait autrefois le sens de "possédé du démon") ? Ou n’est-ce pas plutôt que l’autoportrait est le "portrait des portraits", celui qui les résume et les contient tous ? A travers lui l’artiste traque la vérité du temps et de l’être. Il ne s’agit pas tant de se représenter que de construire une machine à explorer.
Pour cela, le photographe s’invente d’innombrables identités, se rêve en une multitude de mariées (Kimiko Yoshida), se surprend dans le regard trouble d’un miroir (Elina Brotherus), ou bien masqué, sans visage (Robert Mapplethorpe, Dolorès Marat). C’est le plus proche des sujets, le premier parfois (Lucien Hervé), celui qui saisit le photographe au travail, entouré de ses attributs (Ilse Bing, Gisèle Freund). Tantôt fragile, au bord de l’effacement (Benoît Plateus, Serge Comte), tantôt au bord de l’hystérie ou du maniérisme (Frank Horvat, John Coplans, Raymond Hains).
Régis Durand, Commissaire de l'exposition et directeur du CNP. |